lundi 8 octobre 2018

Yëwana, la prêtresse courageuse


Extrait du chapitre IX : Rivalités sur la Terre des Chefs, une apparition enchanteresse


[…] Et là, il reçut un second choc, son souffle en fut coupé. La jeune femme avait un visage d’une beauté époustouflante en forme de diamant avec de grands yeux extraordinaires, multicolores comme un arc-en-ciel ; des sourcils noirs bien dessinés en accentuaient sa forme et des cils de la même couleur, très fournis, les rendaient encore plus mystérieux. Des pommettes hautes, au-dessus de joues légèrement creuses, lui donnaient un port de tête altier. Son nez ordinaire quelconque, ni trop long ni trop petit, s’éclipsait devant une belle bouche sensuelle : des lèvres mordorées, pulpeuses, donnaient envie de les couvrir de milliers de baisers. Enfin, une multitude de longues tresses noires encadrait ce visage magnifique. […]
– Une danse ! Une danse ! Une danse ! scandaient les hommes très éméchés en frappant des mains sur les tables.
Le vieil homme lui traduisit également le mot qui résonnait dans la grande salle. La jeune femme hésita quelques dorons avant de s’exécuter. Marür comprit très rapidement pourquoi Lâmno et les hommes présents réclamaient de la voir danser.
Il assista fasciné à une scène qu’il n’avait nullement imaginée possible.
La jeune femme se mit à genoux, le buste replié sur elle, les bras autour de son corps ; elle semblait se protéger contre les agressions extérieures. On commença à entendre une musique étrange qui semblait vous transporter dans un ailleurs. Soudain, son corps s’ouvrit comme une fleur délicate. Le buste ondulait de gauche à droite et de droite à gauche, puis le mouvement s’étendit à ses bras. Ensuite, on vit une jambe nue s’extraire doucement, en ondulant. Enfin, elle se retrouva brusquement debout, propulsée par sa jambe arrière. Là, le regard fixe comme si elle ne voyait aucun spectateur, son corps s’adonna à des mouvements d’une très grande sensualité. Les muscles des cuisses et des bras se tendaient, se relâchaient alternativement sans effort visible sous les yeux enflammés des spectateurs. Ses mains effectuaient des gestes étranges comme si ses doigts écrivaient des mots dans l’air. Sa tête tournoyait en même temps que son corps et ses tresses volaient de toute part. Marür eut envie de se lever et de capturer sa chevelure indisciplinée pour plaquer la jeune femme tout contre lui afin de la caresser ; son émoi augmentait au gré de sa danse. Ses fesses rebondies, accentuées par la cambrure de son dos, et ses seins bien ronds appelaient à succomber à la tentation. Marür subissait cette torture insoutenable : son corps réclamait la jeune femme comme un assoiffé réclame de l’eau dans le désert. Jamais, il n’aurait pensé souffrir un jour de cette manière. C’était un soldat, la douleur faisait partie de sa vie, mais il n’avait jamais connu une chose comparable, insupportable. Par contraste à son affliction, le visage de la jeune femme, lui, exprimait un tel plaisir qu’il était jaloux de ne pas être à l’origine de ce sentiment. Ne pouvant en supporter davantage, surtout en public, il était sur le point de battre en retraite lorsqu’il entendit un cri perçant.
La musique s’arrêta ! On discerna d’abord des chuchotements, puis des bribes à peine audibles et enfin une voix déformée aux intonations masculines excessivement graves. Un être surnaturel semblait s’exprimer à travers elle non en bénélo, mais cette fois-ci en fadari, provoquant la surprise de nombreux convives dont celle du Mayntou.
« L’étendard blanc et orange impose la loi. La destruction vogue sur la mer des Chagrins. Ĕphÿr souffre, Ĕphÿr se meurt. La lumière viendra du froid. »
Puis, elle s’affala par terre, tremblotante et épuisée par tant d’efforts.
Marür fut profondément secoué. Il s’efforçait de détacher ses yeux de ce tableau surprenant. Lâmno ne l’avait pas prévenu. Toutefois, il se souvint d’une autre rumeur à propos d’un peuple de la Terre des Chefs ayant le don de prescience c’est-à-dire une vision de l’avenir, même partielle. Cependant, chose étrange, le don se transmettait uniquement de mère en fille. Gardant jalousement leur trésor, ce peuple refusait de marier les jeunes filles pourvues de cette aptitude aux prétendants des autres peuples, comme c’était généralement le cas pour contracter ou renforcer des alliances. Marür avait toujours pensé que c’était une légende car personne de son entourage n’avait nullement rencontré ce fameux peuple. Et là, sous ses yeux, la fiction était devenue réalité !

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